Dans son dernier ouvrage « Paysans on vous aime, défendez-vous, défendez-nous… contre les pesticides » (Editions Indigène), Daniel Cueff évoque une véritable épopée contre différents lobbys. C’est David contre Goliath. Mais le maire de la commune bretonne de Langouët, forte de… 602 habitants, a réussi au moins à lever le débat. Son action a généré des milliers d’articles, y compris dans la presse internationale. Il a prouvé que, bien que seul, un acteur politique peut soulever des questions fondamentales pour l’avenir de nos sociétés.
Un point essentiel est que cette démarche sur les pesticides s’inscrit dans une approche bien plus vaste entraînant les habitants du village sur une dynamique du changement. Le bio à la cantine à Langouët, c’est depuis plus de 16 ans et la commune bretonne fut la première à la généraliser en France. L’autonomie énergétique de Langouët est aussi assurée depuis plus de 10 ans (plus de 110 % de production) (p.9). Des dispositifs d’habitats partagés et des constructions passives ont été réalisés dans la commune (p.10).
L’ancien président du réseau Bruded puis de l’Etablissement Public Foncier de Bretagne avait l’expérience permettant de mener à bien ces projets. Des dizaines d’autres exemples parsèment au fil des lignes le petit livret, même s’ils sont trop peu développés (pépinière de l’économie sociale et solidaire, café associatif la Cambuse, flotte de véhicules électriques en auto-partage p.11, etc.), renouveau du bocage p.12, de la biodiversité avec la création de ruchers, p.13, transformation du terrain de foot désaffecté en ferme permacole, etc.). C’est un peu ce que l’on reproche à ce livre, trop axé sur le sujet des pesticides. Son atout est de lever un lièvre, d’évoquer l’incroyable poids en France de différents lobbys et d’une machine étatique et préfectorale capable sans scrupule de s’opposer localement à des principes institutionnels (le principe de précaution). C’est aussi, contrairement à ce qui est dit, un écrit pro-paysan, qui attaque surtout les fabricants de produits de synthèses, les lobbys et l’Etat.
À l’inverse, l’innovation constructive et l’aventure de Langouët restent trop peu évoquées, alors que la dynamique de l’action est bien plus vive. On se demande surtout si cette action d’ensemble peut être reproduite par exemple à l’échelle régionale. Suscitant ainsi l’autonomie énergétique bretonne (actuellement plus de 2000 euros sont dépensés par année et par an par chaque Breton, enfant compris, pour l’énergie). Déclenchant aussi, comme à l’échelle du village, différentes actions permettant aux habitants de se prendre tout simplement en charge, c’est-à-dire de faire vraiment avancer ce que l’on appelle la démocratie, non pas avec des chefs disant ce qu’il faut faire mais plutôt des habitantes et des habitants qui parviennent de façon effective à se prendre en charge pour une dynamique de changement.
En somme, à quand une vision plus large et bretonne de ce projet de société que cet acteur a réussi à initier à l’échelle communale ?
Bretagne Prospective