Déjà France 3 « Bretagne » fonctionne à quatre départements, ce que beaucoup contestent car on nous parle d’une administration et non de la Bretagne. La météo est présentée à quatre. On privilégie une Bretagne préfectorale, non une Bretagne a priori populaire (les sondages, la pétition des 105 000 obtenue main à main pour la seule Loire-Atlantique et balayée d’un revers de main, les manifestations ou appels à l’unité bretonne). On oublie au quotidien tout ce qui existe à cinq départements : la Bretagne juridique (la Cour d’appel de Rennes est depuis 1804 sur 5 départements, écologique (Bretagne Vivante), culturelle (la charte signée par Giscard en 1977 sur les cinq départements), en partie économique (Produit en Bretagne créé en 1993), touristique (la Loire-Atlantique avec Bretagne Plein Sud vante la Bretagne pour plus d’attractivité). Ainsi, on nous présente uniquement une Bretagne à quatre alors que le sujet pourrait a minima donner lieu à débat, pourquoi pas changer selon les réalités évoquées.
Ensuite, cette télévision dite régionale s’appelle… France 3. C’est déjà donc mal parti. D’autant que le temps d’information et d’exposition réellement régional occupe la part congrue. 20 minutes par exemple pour le journal du soir. Que des décrochages nous ramènent très souvent sur les programmes nationaux et que l’on passe une part de notre temps dans un mix où l’on se demande parfois quelle est la part du régional et du national. Les deux sont très mélangés. Avec, dans les faits, des fenêtres véritablement régionales ouvertes de façon très intempestive, des émissions dédiées souvent très bien faites mais placées à des horaires peu commodes, sinon improbables (souvent par exemple à 23 heures le soir alors que le prime time est « national »). Des changements d’horaires (heures, parfois jours) sont aussi très fréquents, notamment pour les émissions en langue bretonne. Ce qui fait que parfois l’on s’y perd. En somme, on se demande déjà en partie ce que le France 3 régional a de régional. Le centralisme français est encore de la partie.
Or, voilà que depuis environ 3 semaines il n’y a même plus de journal régional. Ou plutôt qu’on nous impose un journal … « Grand Ouest » ! (sic). Avec, tenez-vous bien, des nouvelles fréquentes du Loiret, du… Cher. Une nouvelle perte de repères, des présentateurs inconnus, des sujets hétéroclites, forcément hors-sol. L’origine ? La pandémie. C’est en tout cas l’argument officiel. « Le principe de précaution sanitaire pour préserver la santé des salariés ». D’où une fusion improbable et bien sûr « temporaire » des JT de Brest, Rennes et… d’Orléans. Vive la Bretagne. En pleine période d’élections régionales, l’enterrement autoritaire et direct des rares émissions politiques régionales (souvent le dimanche matin) ? Tout simplement supprimées. Sans lieu médiatique d’expression et de débat, comment les Bretons vont-ils faire leur choix électoral ? N’est-on pas, sous couvert de pandémie, dans l’extinction pure et simple du débat régional ? Pire, dans la stratégie voulue d’extinction de la très faible part d’information bretonne attribuée par le pouvoir central ? C’est-à-dire, pour être encore plus explicite, la volonté une nouvelle fois de nous imposer un grand… Ouest (c’est le nom actuel). Bien entendu l’Ouest de Paris. Détruire la Bretagne jusqu’à son nom. Non pas désinformer mais ne plus informer. Détruire le débat politique. Clore les rares mais importantes fenêtres permettant aux candidats d’exposer leur ambition régionale.
On a plusieurs fois et calmement dit que la merveilleuse devise française, surtout en ce qui concerne l’égalité, était un leurre pour conforter les privilèges d’une minorité de nantis localisés dans le centre de Paris. 66 % des Français les plus riches sont à Paris et ont vu leurs revenus augmenter de 40 % en 5 ans. La pandémie est aussi une aubaine pour conforter l’hypercentralisme hexagonal qui est le problème majeur de la France. Alors qu’on annonçait la « décentralisation » et le renforcement des programmes TV « régionaux », c’est exactement l’inverse qui est en train de se produire. Il nous reste alors les TV régionales (Tébéo, Tébésud, TV Rennes), des radios, notamment associatives. Mais il faudra bien un jour poser la question centrale du pouvoir d’information régionale. Est-on encore en démocratie si l’on ne parle même plus, à l’échelle nationale, d’un territoire auquel les gens sont particulièrement attachés ?
Jean Ollivro