Aujourd’hui, 2 parcs éoliens sont en projet sur les côtes bretonnes. Le plus ancien, celui du parc éolien de la Baie de Saint-Brieuc (Côtes d’Armor) a été évoqué pour la première fois en 2011. Le second projet situé au large de Groix et de Belle-Ile (Morbihan) remonte à 2015 suite au lancement de l’appel à projets. Ce dernier fait actuellement l’objet d’un débat public qui se terminera le 21 décembre 2020.
Aujourd’hui, la région Bretagne importe 88% de l’énergie qu’elle consomme et sa consommation de produits pétroliers est supérieure à la moyenne française.
Un comble étant donné que 84% de l’énergie produite en Bretagne sont renouvelables. La Région a donc déjà atteint les objectifs de « la programmation pluriannuelle de l’énergie » qui prévoit qu’en 2030, 40% de l’électricité proviendront de sources renouvelables. Cependant, la Région ne souhaite pas s’arrêter là. Elle souhaite se positionner comme « leader européen sur des secteurs émergents liés aux transitions énergétiques, en premier lieu sur les énergies marines », comme écrit dans « la programmation pluriannuelle de l’énergie ». Elle souhaite par dessus tout inverser sa situation initiale de « péninsule énergétique » pour devenir une région autonome ». En 2050, l’objectif est que le 1er levier de production énergétique breton soit l’éolien marin.
Il faut dire que les conditions climatiques et d’exploitation sont optimales en Bretagne. La longueur de son trait de côte facilitant l’implantation de nombreuses installations est un avantage comparatif non négligeable. Les deux projets semblent donc à première vue répondre concrètement aux objectifs fixés par la Région, et notamment de diviser par 2 ses émissions de gaz à effet de serre en adoptant un mix énergétique décarboné à l’horizon 2040.
Pourtant, les deux projets font débat et apparaissent à certains « démesurés ». Le premier vise à installer un parc éolien offshore composé de 62 éoliennes. Situées à 16,3km des côtes de Saint-Brieuc, celles-ci seront « posées ». Le parc comprend alors les piliers des éoliennes, une sous station off-shore et des câbles permettant d’acheminer l’énergie produite vers la terre par le Réseau de Transport d’Electricité (RTE). La production annuelle du parc devrait s’élever à 1820 Gigawatts par heure. Ce qui représente près de 9% de la consommation électrique bretonne. Les premiers travaux d’installation sont prévus au premier semestre 2021 et portés par le groupe Ailes Marines, société détenue à 100% par l’énergéticien espagnol Iberdrola. La mise en service est attendue pour 2023.
Le deuxième projet se situe au Sud de la Bretagne, au large de l’Île de Groix et de Belle-Île-en-Mer. Il accueillera un premier parc d’éoliennes de 250MW, prévu pour 2021 et un autre pouvant aller jusqu’à 50o MW prévu aux alentours de 2024. Le projet est cette fois constitué d’éoliennes flottantes, ce qui permet de les implanter plus loin du trait de côte pour un rendement supérieur. Ensuite, la totalité du projet est cette fois portée par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), d’où d’autres modalités de débat sur la zone d’implantation en mer et les enjeux du raccordement à terre.
Plusieurs ateliers participatifs ont été organisés. Insertion de l’éolien en mer dans la transition écologique, économie de l’électricité éolienne, filières économiques, emploi et formation, retours d’expériences à l’étranger, environnement marin, usages de la mer et emprises terrestres et impacts agricoles étaient au programme.
Parmi les intervenants, on retrouve notamment le Centre d’Etudes et d’Expertises sur les Risques, l’Environnement, la Mobilité et l’Aménagement (CEREMA), qui met à disposition des citoyens une carte interactive et numérique permettant de filtrer les données importantes à prendre en considération dans la création du parc. L’Ifremer a apporté aussi des informations pour le recensement des données halieutiques et Bretagne vivante a permis la réalisation de nombreuses cartes sur les données avifaunes. D’autres acteurs comme le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine, l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, ou encore l’Agence de l’eau Loire-Bretagne ont fourni une bibliographie et des études conséquentes pour favoriser le débat. Suite à l’enquête publique réalisée du 17 août au 28 septembre 2018, la Commission Nationale du débat public (CNDP) va clore les consultations le 21 décembre 2020.
Bien que les deux projets se démarquent l’un de l’autre par leur contenu et le processus de décision, ils ont comme point commun de voir s’opposer partisans et dissidents.
A Saint-Brieuc, les armateurs costarmoricains sont opposés au projet qui affecte le gisement de Saint-Jacques. Ils évoquent aussi un impact sur la pêche des araignées, des petits homards mais aussi sur la reproduction des encornets et rougets barbets. En effet, ces derniers viennent pondre devant le Cap Fréhel de novembre à janvier « Ici, la pêche fait vire 800 familles, sans compter les emplois à terre, estimés à 2400 » (Alain Coudray, président du Comité départemental des pêches). Pourtant, Loïg Chesnais-Girard, président de la Région Bretagne assure que le projet créera de nombreux autres emplois. Il prend notamment l’exemple des 250 emplois créés à Brest pour la construction des éoliennes.
Autre argument des armateurs costarmoricains, il semblerait que l’on trouve au niveau du parc « une cathédrale de corail plus belle que Notre-Dame de Paris. ». Un argument qui fait pâlir les défenseurs de l’environnement et notamment les écologistes. Cette offensive n’a pas laissé sans voix le porteur du projet Ailes Marines, qui a répondu par un communiqué que la zone de 75m2 établie pour le parc éolien, n’était pas soumise à la présence de corail. On entre donc souvent dans des débats et batailles d’expert. Des propos contradictoires. Des études préalables à la mise en place du projet ont pu démontrer que la production sonore induite par le fonctionnement des éoliennes ne devrait pas avoir de conséquences sur le déroulement de la vie normale des espèces. De surcroît, la ferme d’éoliennes s’est engagée à remettre en état le site après sa période d’exploitation. Face à ces propos, le maire de la commune d’Erquy sur laquelle devrait être installé le raccordement du futur câble RTE n’a toujours pas donné son accord. Le prix est aussi un argument d’opposition pour le projet costarmoricain. A 155€ le MWh, le coût de l’électricité produite sera plus élevé que la moyenne, dû en grande partie au coût du projet de l’ordre de 2,2 milliards d’euros. Cependant, comme l’indique Loïg Chesnais-Girard, le prix initial devait être bien plus élevé, de l’ordre de 200€ MWh.
En Bretagne sud, Une large part de la contestation émane aussi des pêcheurs, en fronde contre ces réalisations. La zone d’installation envisagée n’est pas directement protégée. Mais elle est une frayère et nourricerie pour de nombreuses espèces et bordée de zone Natura 2000 et de Zico (Zone importante pour la conservation des oiseaux). Des pêcheurs s’inquiètent des impacts directs ou d’une restriction possible du domaine exploitable. « Si les câbles ne sont pas enterrés, la zone deviendra interdite à la pêche, non seulement à la drague pour la coquille, mais aussi au chalut, et qu’il faut à tout prix rester vigilant à ce sujet ». La Région et l’Etat encouragent une nouvelle fois le projet dans une volonté de production énergétique plus verte. Ils insistent aussi sur les moindres atteintes à la faune et à la flore grâce au dispositif de l’éolien flottant. Face à eux pourtant, une certaine branche de la population juge le projet dévastateur pour l’environnement, à l’instar de l’association « Préserver l’identité environnementale de Belle-Île en Mer ». Eric Guillot, président de l’association indique sur l’Agence Bretagne Presse que l’éolien flottant n’est pas encore « suffisamment mature pour la réalisation d’un tel projet gigantesque », et ajoute « nous sommes fermement contre l’industrialisation de la mer ». Certaines pétitions comme celle des habitants de l’Ile de Groix récoltent de nombreux avis défavorables au projet.
L’éolien marin est donc un sujet assez complexe. Il interroge d’une part le lien entre les énergies renouvelables et la protection de la faune et de la flore, d’autre part interroge l’impact socio-économique. C’est aussi un enjeu d’échelle géographique entre des ambitions régionales (une énergie verte) et des impacts locaux. Un choix de « grands » projets structurants qui localement change le territoire et y exerce une empreinte réelle. Le sujet dépasse donc souvent le sel syndrome nimby (not in my backyard, pas dans mon jardin) et pose des questions de fond sur l’avenir de nos sociétés. Chacun est concerné de près ou de loin par la question. Le débat actuel public sur le parc éolien au large de Groix et de Belle-Île est une opportunité de s’exprimer sur ce sujet. N’hésitez pas à y participer.
Camille Le Strat, Bretagne Prospective
Plus d’informations sur :
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