Dans un sondage réalisé par questionnaire en ligne entre le 5 décembre 2020 et le 5 mars 2021, Camille Le Strat, chargée d’étude à Bretagne Prospective et encadrée par Jean Ollivro a recueilli 604 questionnaires de jeunes Bretons de moins de 29 ans pour cerner leur perception des enjeux liés à l’environnement. Sa localisation à Rennes pour les études explique une sur-représentation de cette ville (97 participants) mais les communes de plus de 100 000 habitants ne représentent que 26,3 % de la population totale et toute la Bretagne (un peu moins le centre-ouest Bretagne et la Loire-Atlantique) est plus ou moins représentée (carte)[1].
1. Les enjeux environnementaux : une préoccupation forte des jeunes !
Le premier constat fort est que, de manière générale, 97,3 % des participants se sentent sensibilisés aux enjeux environnementaux. Plus des 2/3 se sentent même très sensibilisés à ces enjeux et sur l’ensemble du panel, on obtient une note moyenne de 8,04/10 sur cette thématique de la sensibilité aux questions environnementales. Les jeunes Bretons sont donc plus sensibilisés que l’ensemble de la population bretonne, elle-même déjà plus intéressée que la population française[2].
2. La Bretagne concernée par ces enjeux et une déclaration d’engagement
Cette question générale touche en particulier la Bretagne et à la question « A quel point trouvez-vous que les défis environnementaux concernent les territoires bretons », les jeunes donnent une note moyenne de 7,58, soit un peu en dessous de la moyenne précédente. Mais le défi environnemental breton est très ressenti par les jeunes[3].
A tout problème une solution et cette jeunesse se définit comme très engagée pour l’environnement.
Ainsi plus de 8 jeunes sur 10 s’évaluent entre 6 et 10 pour leur engagement dans la lutte contre le changement climatique avec une note moyenne de 7/10. Selon eux 66,4 % ont déjà « adapté leur mode de vie quotidien ». Un sixième de l’effectif pense qu’il peut difficilement faire mieux (note inférieure ou égale à 4). A l’inverse 15 % pensent qu’ils peuvent faire beaucoup plus qu’aujourd’hui.
3. Le COVID… pas un facteur déclenchant de cette prise de conscience pour tous, mais un accélérateur de transition
Il a très souvent été dit que le Covid avait accéléré cette sensibilisation. Or, l’enquête n’est pas si explicite avec des résultats en fait très partagés. Ainsi 21,6 %, peut-être déjà convaincus, n’ont rien changé à leur sensibilité et pour la moitié de l’effectif l’épidémie n’a pas contribué à faire évoluer leur sensibilité. A l’inverse, un quart de l’effectif juge que la pandémie les a très fortement sensibilisés aux enjeux environnementaux et climatiques du territoire. L’effet Covid n’a donc pas été le même pour tous, loin de là. Il a cependant joué un rôle « d’accélérateur de transition », plus du quart des jeunes (26,4%) ayant sensiblement adapté ses comportements (note de 6 à 10) à l’occasion de l’épidémie.
4. A quelle échelle géographique agir ?
Pour les jeunes, deux échelles d’actions ressortent fortement pour résoudre les problèmes environnementaux :
- Le monde, qui recueille 30,5 % des suffrages
- La proximité avec 56,5 % des suffrages[4], dont le « pays » qui est l’échelle la mieux notée alors même qu’elle n’a pas de réalité institutionnelle.
A noter, au regard de leur pouvoir, la faiblesse relative de Europe et la France qui reçoivent chacune 6,5 % des suffrages, soit 13 %. Elles sont prises comme un étau entre le souhait d’une gouvernance internationale et les échelles sans doute jugées plus concrètes du changement (la région, le pays et le département cumulent 29,7 %).
5. Comment agir ?
De fait, les solutions concrètes créent parfois l’unanimité et s’articulent autour de trois grands thèmes :
- Protéger l’environnement avec 92,2 % des effectifs qui souhaitent que l’on renforce les actions contre les algues vertes (notes de 6 à 10) dont la moitié donne une note de 10/10 à cet enjeu. Mais également plus de 90% des jeunes qui donnent une note > 9 pour préserver les espaces naturels bretons. Les premiers scores sont à 5 (0,8 % des effectifs), 91,9 % des effectifs notent 9 ou 10 ! Pour agir en ce sens, les jeunes soulignent aussi l’importance de l’éducation avec une demande de sensibilisation accrue des Bretons à l’environnement (84 % entre 8 et 10 dont 63,3 % tout à fait d’accord à 10/10).
- Consommer bio et local avec près de 60% des jeunes qui accordent une note de 10/10 pour « développer d’avantage l’agriculture bio », alors que seuls 7,1 % donnent à cette action une priorité inférieure ou égale à 5. A ce sujet, les jeunes souhaitent d’ailleurs majoritairement (90 %) que l’on augmente les aides à la conversion au bio pour les agriculteurs bretons (notes de 6 à 10), 56,7 % étant tout à fait d’accord (10 sur 10). Le « consommer local » est également plébiscité avec 74,9 % des suffrages à 10 sur 10, et le résultat atteint même 97,3 % pour le cumul des notes supérieures à 6. Cette tendance se retrouve aussi avec la restauration où plus des quatre cinquièmes (83 %) des jeunes sont d’accord pour « développer une restauration collective bio et locale obligatoire sur les cinq départements » (43,2 % notent 10/10, 23,7 % 8 ou 9).
- Proposer des mobilités durables est également un axe important. 93,2 % des jeunes accordent une note supérieure à 6 à l’intérêt de renforcer l’offre des transports en commun (bus, train, covoiturage), plus de la moitié (55,6 %) donnant à ce thème une importance maximale (10/10).
A l’inverse, dans cette génération évidemment très connectée, les enjeux du numérique font davantage débat. Plus de la moitié (53,7 %) pense que le numérique peut être un moyen de lutte contre le réchauffement climatique (note de 6 à 10). Mais la note 5 obtient 20,1 % des suffrages et 26,2 % sont en désaccord (note de 0 à 4) sans doute en raison de l’énergie consommée, notamment par les serveurs. De fait, les avis sont très partagés pour l’installation de la 5G sur les territoires bretons : 13,2 % sont tout à fait favorables au déploiement et en tout 28,1 % favorables. 29,8 % sont totalement opposés au déploiement et en tout 40,1 % plutôt contre ce déploiement. Enfin, 21,5 % hésitent avec la note de 5 et ce sujet fait débat[5].
6. Quels enseignements pour les échéances à venir ?
Si cette enquête éclaire l’importance des enjeux environnementaux pour les jeunes Bretons, elle démontre également qu’au-delà de la prise de conscience sur différents sujets, les jeunes sont engagés. En effet, les moyennes baissent très faiblement de la sensibilisation à l’action, ce qui tend à prouver qu’une jeunesse déterminée à changer concrètement les choses est déjà en mouvement. Ils sont engagés pour l’écologie. Ils le sont aussi à l’échelle bretonne. La pandémie a pu accélérer des évolutions de comportement qui, dans tous les cas, se généralisent. On sait que l’abstention est forte pour cette classe d’âge et ils ne sont pas unanimes sur l’échelle pertinente à privilégier pour l’action, peut-être aussi car toutes les échelles ont leur importance au regard de ce défi. Dans quelle mesure les politiques vont-ils intégrer ces résultats dans leur programme ? L’enquête démontre en tout cas clairement que ce sujet est une priorité pour la génération de l’avenir.
Bretagne Prospective
[1] Cet échantillon permet une marge d’erreur de 1,4 % si les réponses sont unanimes (par exemple 95 % d’avis favorables) et au maximum de 3,1 % si les réponses sont partagées (50 %). Par exemple, 80 % de réponses favorables créent une marge d’erreur de 3,3 %, et le vrai pourcentage est donc compris entre 76,7 et 83,3 %.
[2] A noter, dans le sondage Odoxa / SAP réalisé pour le Télégramme du 5 au 11 octobre 2021, que 77 % des Bretons souhaitaient faire de l’environnement un enjeu majeur de leur vote pour l’élection présidentielle contre 69 % des Français. Sondage : les Bretons les plus motivés à agir pour l’avenir de la planète, Le Télégramme, 30 octobre 2021.
[3] Dans le détail, 12,5 % des effectifs donnent la note 6, 45,3 % à part égale la note 7 ou la note 8. Enfin 22,5 % donnent une exposition environnementale de 9 (9,9 % de l’effectif total) voire de 10 (12,6 % de l’effectif total). 12,6 % des jeunes jugent donc la Bretagne exposée à 100 %.
[4] La région compte pour 10,1 %. Le département 7,9 %. L’idée de pays est intéressante car elle recueille 11,7 %. Enfin l’agglomération compte pour 10,3%, la commune (9,3 %), le quartier (2,2 %) et la maison (5%).
[5] A noter que l’enquête récente d’O. Galland et M. Lazard de l’Institut Montaigne confirme que le renoncement à la 5G est le plus accepté par les jeunes (37 %). Institut Montaigne. Une jeunesse plurielle. Enquête auprès des 18-24 ans, février 2022, 170 p. Dans cette enquête « 12 % des jeunes se disent décidés à ne plus avoir d’enfants, dans un souci malthusien de ne pas augmenter la population mondiale » (p.59).