Cela fait maintenant des décennies que les Bretons demandent pacifiquement que l’on résolve enfin un simple problème administratif et rien ne bouge. Rien ne bouge car, au bénéfice de Paris, on vit dans un des pays les plus centralisés au monde. Rien ne bouge car une pyramide immobile tient dans une main de fer un pays lui aussi considéré comme immobile, qui serait aussi lent que la bureaucratie sauf pour dégainer des interdits. Sauf que la Bretagne veut vivre, promouvoir un essor en lien avec son identité, son histoire, sa culture, pour tout dire son originalité territoriale. Que signifie ce blocage surréaliste sinon une volonté toujours plus vive de dire qui est le maître, qui doit au final décider.
Scientifiquement toute l’histoire de la Bretagne est une affirmation incessante de réalités déjà en place (la Cour d’appel et le droit depuis 1804, l’écologie depuis 1953, la charte culturelle depuis 1977, l’économie notamment depuis 1993, le tourisme depuis 2012 et plus encore 2018), de sondages et preuves répétés, d’événements partagés, de pétitions dont celle des 105 000 de Bretagne Réunie, de panneaux Breizh 5/5 et de drapeaux apposés, de réalisations très concrètes pour dire que la Bretagne existe. Que le 44 est tout simplement breton. Mais que faut-il donc de plus pour que la machine administrative France se débloque, reconnaisse tout simplement ce qui, en Normandie, fut acté d’un trait de plume ? Et voilà qu’on nous reparle « d’un » ou « de » référendums ou referenda, avec quelles questions, à quelle échelle ? Et voilà qu’il faudrait ici franchir un invraisemblable jeu d’obstacles administratifs pour, à la façon d’un candidat, pouvoir dire simplement « Bonjour le Finistère, Bonjour l’Ille-et-Vilaine, Bonjour le Morbihan, Bonjour les Côtes d’Armor. Bonjour la Loire-Atlantique. Bonjour la Bretagne ». Mais dans quel pays sommes-nous ?
2021 sera une bonne année. La somme de ses chiffres tombe bien pour une Bretagne cinq sur cinq. Après tout l’ampleur de la crise subie peut-être aussi l’occasion de simplifier le Mammouth, d’en distinguer des formes claires et effectives, de muscler sa cohérence pour plus d’agilité territoriale et tout simplement, à l’instar de la Normandie, nommer les territoires comme ils le sont par les habitants. La bataille sera sans doute un jour définitivement gagnée, car la Loire-Atlantique et la Bretagne c’est une évidence. Qu’on ne peut aller contre ce que les gens pensent, disent, vivent. Parce qu’en 2020 on dit encore à des gens habitant Montoir-de-Bretagne, la Meilleraye-de-Bretagne, le Temple-de-Bretagne, Vigneux-de-Bretagne, Le Theil-de-Bretagne, Parthenay-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, qu’ils habitent les Pays de la Loire. Le cinéma n’a que trop duré et les historiens s’amuseront sans doute beaucoup dans le futur de cette invraisemblable inertie du pouvoir central. Alors qu’une magnifique réorganisation est offerte sur un plateau avec trois noms limpides et lumineux : Normandie, Bretagne, Val-de-Loire, ils écarquilleront sans doute les yeux sur ce soi-disant « problème » de la Loire-Atlantique, en réalité seule solution pour bâtir enfin des territoires réels et cohérents. Nantes, Donges, Saint-Herblain, etc. mettent à l’unisson le drapeau breton et ne sont pas en Bretagne. Oups. Il faudra qu’on leur explique. Bien loin d’une technocratie surréaliste et du pouvoir encore omniprésent des Préfets, l’année 2021 est une belle occasion pour valider de façon volontaire et finalement très simple les territoires de la volonté.
Jean Ollivro