Article de Laure-Emmanuelle Husson publié dans Challenges
Bleu, rose, jaune ou gris, le granit breton est exploité depuis 150 ans dans les Côtes d’Armor. Mais la filière souffre du tarissement des commandes publiques.
Sur la côte qui mène de Perros-Guirec à Trébeurden, les blocs de granit rose, façonnés par la mer et découpés par le vent depuis des millénaires, font chaque été le bonheur des touristes. Voici pour l’image de carte postale des Côtes d’Armor. Car un peu plus à l’intérieur de ces terres bretonnes, cette même roche est exploitée de manière industrielle depuis plus de 150 ans. En 2013, 21.000 m3 de blocs de granit ont ainsi été extraits des différentes carrières bretonnes, pour un chiffre d’affaires d’environ 67 millions d’euros, dont 10% est réalisé à l’export. Le granit made in Breizh a ainsi servi au dallage de l’avenue des Champs Elysées et de la place de l’Hôtel de Ville à Paris, pour les bureaux du Parlement européen, à Bruxelles ou encore de la banque de Chine à Hong-Kong. « Le granit breton a une réputation en lui-même grâce à sa diversité de couleurs et de grains mais les granitiers bretons eux-mêmes ont la réputation de bien travailler« .
Actions en justice
Malgré la concurrence espagnole, portugaise et chinoise, la filière continue d’employer 800 salariés, contre plusieurs milliers dans les années 1960. « Beaucoup d’entreprises ont fermé. L’année 2014 a été marquée par plusieurs faillites. On a atteint notre seuil de résistance », s’alarme Christian Corlay, secrétaire général de l’Union nationale des industries de carrière et matériaux de construction en Bretagne (Unicem). Si le travail dans les carrières est rendu beaucoup plus mécanisé qu’au début du siècle, les carrières de granit breton n’arrivent pas à s’aligner sur les prix de leurs concurrents étrangers. « Globalement, nous ne sommes pas compétitifs car le coût de la main d’oeuvre et des transports sont plus importants ici », relève Christian Corlay. Une situation qui s’est encore aggravée ces dernières années suite au tarissement des commandes publiques. « Malheureusement, les collectivités locales mettent en oeuvre du granit étranger. Parfois, elles sont de bonne foi car elles pensent que c’est du granit de Bretagne mais elles se font flouer en réalité », regrette-t-il. Dans les cas de contrefaçons avérées, le syndicat n’hésite pas à traîner l’affaire devant la justice.
Pour éviter ça, l’Unicem milite depuis longtemps pour que l’origine du granit dans les appels d’offres puisse être citée. « L’indication géographique peut permettre de donner envie aux collectivités locales de payer un peu plus cher pour du granit breton. Ce sont elles qui peuvent avoir de l’influence et booster la filière ». Avant de conclure, philosophe: « La Bretagne est une terre de granit. Elle est même façonnée dans du granit. C’est pour ça que les Bretons ont la tête dure!« .