Chronique de Frédéric Morvan sur le site de l’Agence Bretagne Presse
« Non, madame la maire-adjointe de Brest, Anne-Marie Kervern, il faut continuer de s’user à demander, avec force et conviction, au ministère de l’Education nationale et aux Rectorats des Académies de Rennes et de Nantes (pour la Loire-Atlantique) que l’Histoire de Bretagne soit enseignée dans les collèges et les lycées, que tous les jeunes élèves et étudiants relevant de ces deux rectorats et demeurant dans les cinq départements bretons puissent recevoir cet enseignement, et bien sûr puissent connaître l’Histoire de la Bretagne.
Des jeunes guère présents
Bien sûr, et vous avez eu raison de mentionner comme vous l’avez fait lors de votre intervention lundi soir 4 janvier à Brest lors de la conférence de Jean-Jacques Monnier sur la question de l’enseignement de l’Histoire de la Bretagne, qu’il existe d’autres voies, les actions du réseau associatif breton, les actions des collectivités locales (mairies, départements, Région) de Bretagne, l’édition, la TV, la radio, etc. Tout cela est bel et bien. Mais est-ce suffisant ? Avez-vous remarqué l’âge des gens venus écouter et participer au débat ? Sur les 70, à peine 5 avaient moins de 30 ans… Toutes les associations se plaignent. Cela râle de toutes parts : où sont les jeunes ? Que font-ils ? Se sentent-ils concernés ? Pour cela, faudrait-il qu’ils soient touchés ? Certains le sont. Ceux touchés par les actions des associations, des collectivités territoriales, des radios et TV, par les enseignements de professeurs d’histoires qui enseignent de temps à autre, lorsque les programmes le permettent, lorsqu’ils disposent de connaissances, sans savoir s’ils en ont le droit, en se demandant s’ils ne vont pas subir les foudres de quelques parents, de principaux ou proviseurs ou de leurs inspecteurs. Et pourtant, le Centre d’Histoire de Bretagne-Kreizenn Istor Breizh avait obtenu de la part du Recteur en novembre 2014 un texte informatif réaffirmant le droit de ces enseignants d’Histoire à enseigner l’histoire de Bretagne. Mais ce texte n’a pas été diffusé… ni par les Rectorats, ni, il faut aussi le dire, par le mouvement associatif breton.
Qui est responsable ?
Une participante à cette rencontre de lundi soir s’est exclamée à juste titre : « qui est responsable ? ». Mais nous tous et cela sans exception. On a baissé les bras. C’est trop dur. Ils sont trop forts. Il faut affronter l’Etat et l’Education nationale. Mais force aussi est de constater partout, dans les différents mondes bretons (culturel, économique, politique) qu’il faut que rien ne bouge, que rien ne change. Rester entre nous… Et la démographie est là. On vieillit et on se demande où sont les jeunes. Certains arrivent, surtout lorsqu’ils sont issus des écoles bilingues. Souvent, il faut bien l’avouer, ils sont bien reçus et puis très rapidement car ils bousculent les habitudes on les regarde avec suspicion… il est vrai qu’ils parlent de Facebook, de réseaux sociaux, d’ordinateurs, de téléphones portables, de You Tube, bref de modernités et de phénomènes mondiaux, dont on ne comprend pas tout. Et tout cela coûte cher. Et les autres jeunes ? Et bien on les abandonne à leur sort. On ne peut pas lutter contre l’inéluctable, contre des gens qui ne veulent pas, contre un système éducatif aussi puissant, contre l’Etat.
Et pourtant, tout est en place
Et oui, tout est en place pour que les jeunes puissent recevoir des enseignements d’Histoire de la Bretagne. Le droit est là. Il est tout à fait légal pour un enseignant d’histoire de l’enseignement privé comme public d’enseigner l’Histoire de Bretagne. Cela doit même être recommandé comme ailleurs, sur tout le territoire de la République française. Le monde culturel breton est prêt. Et je sais que des personnalités très célèbres de ce monde bouillonnent d’impatience à l’idée d’intervenir publiquement en sa faveur. Quant au monde économique ? Savez-vous que de très importants, mais alors très importants, industriels bretons souhaitent que les futurs cadres de leurs entreprises parlent le breton et connaissent la culture bretonne, dont bien sûr l’Histoire de la Bretagne. Quant au monde politique ? On voit mal J.Y. Le Drian être contre puisqu’il est professeur agrégé d’Histoire. Le nombre de politiciens bretons diplômés en histoire (et même de la Bretagne) est proprement hallucinant : B. Malgorn, P. Molac, C. Troadec, G. Bui, etc. Jean-Jacques Monnier lors de sa conférence a mentionné que même le Recteur de l’Académie de Rennes, Breton de Morlaix, avait montré presque de l’enthousiasme à l’idée que la Région Bretagne diffuse à tous les lycées son CD sur l’histoire de Bretagne.
Alors où se trouve le verrou ?
Il semblerait que cela vienne de certains inspecteurs de l’Education nationale, bref de la haute-administration. Si cela se vérifie, il faudra leur dire : mais de quoi avez-vous peur ? Qu’en connaissant l’Histoire de la Bretagne, les jeunes vivant en Bretagne (B5) demandent dans le futur l’indépendance de la Bretagne, qu’ils deviennent des nationalistes, indépendantistes, identitaires, totalitaires, extrémistes, voire des terroristes, influencés par les idées provenant des gens de Breizh Atao et du Bezen Perrot. Soyez sérieux et soyons sérieux une minute. Nous vivons au XXIe siècle, à l’ère de Facebook, de Tweeter, de Wikipédia, de Google et d’Amazon. Ce n’est pas en recevant au sein des établissements scolaires des enseignements sur l’Histoire de la Bretagne qu’ils vont rejeter la République française. Bien au contraire. Ils apprendront en fait comment leurs ancêtres, comment les Bretons et les habitants de la Bretagne ont intégré cette République pour en faire, comme l’ont prouvé une nouvelle fois les résultats des dernières élections régionales, leur République. Messieurs les inspecteurs qui ne semblent pas très bien connaître l’Histoire de la Bretagne – bien que les choses paraissent peut-être évoluer-, l’histoire, la République, la Démocratie proviennent d’hommes et de femmes. Et Dieu sait que les Bretons et les Bretonnes ont eu un part importante dans ces avancées. L’Histoire ne doit pas être vue uniquement d’en haut, mais aussi d’en bas, au niveau des êtres humains. Ce ne sont pas les Institutions et les grands corps de l’Administration qui ont fait l’Histoire. Alors ayez confiance ! Et n’oubliez pas que vous travaillez pour le Peuple. N’oubliez jamais les vraies significations de République (la chose publique) et de Démocratie (le pouvoir au Peuple). Et le Peuple, tout le peuple sans exception, a le droit et le devoir de connaître son Histoire, toute son Histoire, même s’il n’est pas glorieux. »