Dans le prolongement de son université d’été (Vannes le 1er septembre 2023), Bretagne Prospective
présente les principales propositions qui ont pu être formulées par les 80 acteurs présents (décideurs
économiques, professions libérales, chercheurs, responsables politiques, associations) sur un sujet
crucial : « Habiter en Bretagne : Quels Futurs « .
Le constat a été que la Bretagne est confrontée à une intenable quadrature du cercle.
Les problèmes d’accès au logement ne cessent de se renforcer. Les demandes non satisfaites
explosent dans l’habitat social. Les nombreuses résidences secondaires et les nouvelles pratiques
locatives type AirBnB, accentuent les difficultés pour les jeunes ménages, les étudiants, les
saisonniers… Des décisions étatiques, le ZAN par exemple, renforcent la rareté et le prix des terres
constructibles.
Or, dans les vingt prochaines années entre 500 000 et 600 000 nouveaux arrivants sont attendus dans
les cinq départements, la pression va se renforcer. A ce dynamisme démographique s’ajoute la
pression du tourisme. Avec 15 millions de touristes par an soit 100 millions de nuitées, la Bretagne
compte parmi les régions les plus touristiques du monde. Si rien n’est fait, la situation va devenir
catastrophique.
Cette situation bloque la dynamique économique bretonne et fragilise son secteur du bâtiment,
notamment en raison de décisions étatiques « indivisibles ». La crise s’annonce plus forte qu’en 1996,
avec des risques réels d’effondrement. Le souci, en France, est que l’on « doit » aménager le
Limousin comme le centre-ville de Paris et que l’on ne prend nullement en compte les originalités
régionales (attractivité, spécificité de l’habitat, comme ici la présence des hameaux, attachement à la
maison individuelle, etc.).
Devant les défis qui s’imposent à nous et alors que les taux d’intérêts sont particulièrement élevés, la
Bretagne veut débloquer la machine France. Faire que l’offre du bâtiment ne s’effondre pas et puisse
répondre à la demande. Il y a urgence à agir !
Les principales propositions issues de l’université d’été s’organisent autour de cinq axes :
1. Limiter la croissance démesurée des prix du foncier en renforçant la possibilité pour les
collectivités d’anticiper et de maîtriser l’acquisition des terrains à prix modéré.
2. Éviter les effets négatifs de l’application de la Loi ZAN, en faisant accepter par l’État des
expérimentations qui prennent en compte une nécessaire maitrise du foncier mais qui
s’adaptent à la diversité des territoires (les hameaux par exemple). Il s’agit de
responsabiliser au lieu de multiplier les lourdeurs administratives et les délais.
3. Orienter les moyens financiers vers ceux qui souffrent le plus de la crise : les classes
moyennes dont le rêve est d’accéder à la propriété, et les jeunes. Contrairement à ce que
vient d’annoncer le projet de loi de finances 2024, le Prêt à Taux Zéro (PTZ) ne doit pas être
centré comme aujourd’hui essentiellement sur les collectifs dans les métropoles et
villes principales (zones tendues) mais s’étendre, y compris pour les maisons individuelles,
à des primo-accédants pénalisés par des taux d’intérêts élevés.
4. Piloter une politique d’aménagement du territoire basée sur les pays et bassins de vie pour
favoriser un maillage territorial qui aiderait à réduire la crise du logement tout en renforçant
la résilience des territoires (l’esthétique des constructions, l’accès à l’alimentation, à l’eau…).
5. La taxe supplémentaire de 5% à 60% sur les résidences secondaires n’a été envisagée
que pour 202 communes bretonnes et pourrait être choisie dès lors que ce prélèvement aide
au développement de l’offre de logements pour les jeunes, les salariés et les résidents
principaux.
A l’issue de cette Université d’été, Bretagne Prospective demande que les outils de gestion de la
politique foncière puissent prendre pleinement en compte le tissu des villes moyennes et petites,
l’originalité totalement oubliée des hameaux, la création d’habitats écologiques et réversibles de
qualités et une revalorisation renforcée des 8 % des logements vacants afin d’offrir aux Bretonnes et
aux Bretons une diversité possible d’habitats permettant de faire face à la crise et de répondre aux
différentes aspirations.
Une expérimentation bretonne est demandée car l’originalité du territoire l’exige, ainsi que la
capacité ici de tous les acteurs à coopérer pour trouver des solutions innovantes et respectueuses
des enjeux du foncier. Si Paris ne bouge pas, une plateforme lançant éventuellement un fonds de
dotation à partir d’un collectage privé sera envisagée. Elle associerait architectes, constructeurs,
ingénieurs, industrie des matériaux, géologues, hydrologues, spécialistes de l’agriculture ou de la
mobilité pour apporter des réponses aux immenses défis auxquels la Bretagne est aujourd’hui
confrontée, tout en respectant ce qui fait l’originalité et la qualité du cadre de vie breton.
Parmi les signataires : Bretagne Prospective, Pierre Méhaignerie (ancien ministre du Logement),
David Lesvenan (adjoint à l’urbanisme de Quimper), Hervé Kermarrec, la Fédération du Bâtiment de
Bretagne, Maisons de Qualité, Aiguillon Construction.