La Chimie verte consiste à valoriser les éco-ressources disponibles. Le Groupe Olmix a basé son développement sur ce concept qui, en Bretagne, s’adapte parfaitement au contexte marin. Nos mers abritent en effet une vaste diversité d’algues dont les vertus, nutritives ou médicales, sont prouvées mais aussi encore à découvrir.
Créé en 1995, le Groupe Olmix est aujourd’hui l’un des grands spécialistes mondiaux de la chimie verte (source : www.olmix.com). Quelles sont les raisons pour lesquelles vous êtes-vous orientés vers l’utilisation des algues ?
Nous avons débuté par la réalisation d’un produit naturel, à base d’algues-argile, dédié à l’hygiène en élevage. Primé à travers le monde comme l’un des premiers produits du bien-être animal, Mistral est utilisé pour le bain des porcelets à la naissance, s’appuie sur les technologies de la cosmétique pour la cicatrisation d’une patte d’un bovin et améliore l’ambiance dans les bâtiments d’élevage, notamment les poulaillers, grâce à l’encapsulation d’huiles essentielles et d’algues (vertu antibactérienne). Pionnier, Mistral est désormais vendu dans 80 pays dans le monde. Le choix des algues résultait d’une démarche marketing qui visait le marché asiatique qui apprécie particulièrement cette matière. De plus, nous disposions gratuitement d’un vivier d’algues vertes à proximité. Rappelons également que les algues-argile sont utilisées en Bretagne depuis des siècles. Dès lors, si les Américains ou les Allemands considèrent que nos algues sont liées à une cosmétique celtique alambiquée, les asiatiques et l’industrie pharmaceutique ont parfaitement intégré l’idée que cette ressource abrite des molécules aux multiples vertus. Puisque des filières industrielles (iode, etc.) se sont développées en Bretagne dès le 17e siècle, nous avons juste opéré un retour aux sources et innové en nous appuyant sur la chimie de synthèse.
Dès lors, aujourd’hui, quels sont les potentiels de cette matière première ?
Aujourd’hui, à travers le monde, l’émergence de nouvelles sources ou filières de biomatériaux représente un enjeu majeur. On commence à s’apercevoir que les milliards de dollars investis dans la conquête de la Lune auraient, peut-être, dû bénéficier à l’exploration des fonds marins. L’économie bleue est un sujet international dont la Chine ou l’Amérique du Sud se sont emparées d’autant plus que, demain, la mer nourrira l’Afrique (population estimée à plus de 2 milliards d’habitants en 2050). En Bretagne, la recherche sur les algues existe depuis la création de la station biologique du CNRS de Roscoff en 1870. Olmix, pour sa part, est sollicité au Canada, en Indonésie, etc. pour monter des usines car ces pays ne disposent pas de nos connaissances. 1 500 chercheurs bretons analysent actuellement le potentiel des algues, leur génome. Des protéines commencent à être séparées et nous disposons d’une réelle expertise concernant les molécules. De plus, notre région abrite plus de 700 espèces d’algues, une biodiversité quasiment unique au monde, dans un environnement géographique où le marnage de la mer nous procure une sécurité sanitaire exceptionnelle. Dans ce contexte, la Bretagne bénéficie de tous les atouts pour développer la filière Algues. Pour autant, ne réitérons pas l’erreur commise lors de la création du minitel ; nous devons nous mobiliser pour mettre en place de vraies filières industrielles.
Plus spécifiquement, comment le problème des algues vertes sur les plages pourrait-il être, selon vous, transformé en opportunités ?
Nous souhaitons nous positionner comme un acteur multi-algues (jusqu’à la micro-algue) en mer et en culture terrestre. Actuellement, 100 000 m3 d’algues vertes sont en excès. Nous avons mis au point une stratégie pour les valoriser. Les marchés sont déjà trouvés et le problème pourrait rapidement être réglé. Cependant, nous faisons face à un blocage sociétal qui repose sur l’idée qu’il n’est pas possible de valoriser de la pollution. D’une part, les algues vertes sont présentes depuis 3,5 milliards d’année. D’autre part, les excédents dus au nitrate devraient se résorber eu égard aux efforts initiés par les agriculteurs. Enfin, leur toxicité provient de leur décomposition, soit trois semaines après leur échouage. Dès lors que nous les récupérons dans la mer, nous avons deux jours pour les congeler ou les industrialiser sans qu’aucune toxicité ne soit détectée. Au contraire, l’une de nos molécules issues de ces algues vertes, est actuellement testée cliniquement pour un potentiel traitement futur du cancer du colon ! De plus, l’algue verte est le premier élément marin sorti de mer pour venir sur la terre. Si nous analysons sa constitution génétique, nous retrouvons des traces préhistoriques qui permettent de réenclencher des phénomènes immunitaires contre le cancer et, j’en suis persuadé, demain le sida. Lorsque nous aurons balayé sa mauvaise image, l’algue verte sera l’une des matières qui servira à soigner des pathologies pour lesquelles aucun traitement n’a été trouvé ces cinquante dernières années.
Nous nous préparons d’ores et déjà à ces échéances à travers, notamment, la réalisation de 500 m² de salles blanches (salle propre selon la norme ISO 14644-1), l’hydrolisation des éléments, etc. Cessons alors de nous plaindre de ces algues, elles sont présentes et nous pouvons les exploiter. L’avance que nous prendrons permettra alors la réalisation d’un nouveau schéma de cultures des autres algues faisant émerger une filière bretonne. Par ailleurs, je monte actuellement un fonds d’investissement, nommé Breizh Algae, qui vise à proposer aux personnes, dans les 10 baies impactées par les algues vertes, un financement sociétal. Il s’agit d’acquérir des bateaux et des machines qui récupèreront en mer ces algues avant qu’elles ne fassent des dégâts sur les plages pour, ensuite, les revendre aux usines qui les exploiteront.
Enfin, Olmix est présent dans 60 pays à travers le monde, emploie 250 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 60 millions d’euros en 2013, dont 80 % à l’exportation. Quel regard vos partenaires internationaux portent-ils sur notre région ?
En 2013, mon concurrent américain, orienté sur le marché des levures, a investi 200 millions de dollars dans une usine de micro-algues. En mai 2013, il a organisé un show réunissant les acteurs internationaux de cette filière en s’attribuant le titre de N°1 mondial. En septembre 2013, j’ai donc décidé d’inviter 500 clients, de 25 nationalités, lors du Breizh Algae Tour, événement annuel que nous organisons. A cette occasion, nous avons inauguré notre première bio raffinerie d’algues, unique au monde, à Plouenan (29). J’ai aussi présenté à mes invités l’Océanopolis de Brest, des champs d’algues et, plus largement, la Bretagne. Des chefs d’entreprise de grandes sociétés de l’agroalimentaire, de tous pays, ont apprécié cette rencontre à telle enseigne qu’ils souhaitent revenir commercer chez nous. Aujourd’hui, sur notre territoire, le niveau de sécurité de la filière agroalimentaire figure parmi les plus élevés dans le monde et commence d’ailleurs à être reconnu partout. J’étais ainsi récemment avec l’équipe France à Shanghai où j’ai présenté notre gamme de produits et la sécurité alimentaire devant un parterre de décideurs chinois vivement intéressés. Dans les années à venir, la Bretagne de l’agroalimentaire va certainement prendre une place dans le haut de gamme, forte de cette image de sécurité et teintée en arrière-plan d’une french touch qui nous aidera. Dès lors, les Bretons doivent être les acteurs de cette dynamique et ne doivent pas attendre que nos partenaires étrangers viennent construire des usines, acheter la matière première et réaliser la valeur ajoutée à l’extérieur.